PARER AUX ALÉAS DE LA VIE AVEC LE TESTAMENT ÉVOLUTIF

PARER AUX ALÉAS DE LA VIE AVEC LE TESTAMENT ÉVOLUTIF
Parmi les outils à disposition de nos clients pour leur permettre de gratifier des
œuvres, le testament évolutif a toute sa place.
À nous de leur en présenter les atouts, souvent méconnus.
Le choix de rédiger un testament est souvent dicté par la volonté d’organiser au mieux la
transmission de ses biens et de gratifier les personnes de son choix (y compris des
associations). Une difficulté peut surgir dans la mesure où les dernières volontés sont rédigées à
un instant T, en fonction des biens dont le testateur est propriétaire à ce moment-là, de sa
situation familiale, économique, etc.
Le risque de caducité
Prenons l’exemple d’un bien immobilier faisant l’objet d’un legs particulier.
En vertu de ce legs, une personne est ainsi désignée pour recevoir cet appartement ou cette
maison à la mort du testateur. Mais finalement avant son décès, son propriétaire décide de le
vendre. Même s’il n’avait pas imaginé le faire au moment de la rédaction de ses dernières
volontés, il est libre de procéder à cette vente. En conséquence, le bien ne peut plus être légué
au bénéficiaire initialement prévu.
Bien sûr, le testament peut être révoqué ou modifié par son auteur afin qu’il soit tenu compte de
son nouveau patrimoine. Mais encore faut-il qu’il y pense et qu’il soit bien conseille pour ne pas
commettre d’erreur.
A défaut, le légataire qui devait recevoir le bien immobilier n’aura rien car le testament sera
devenu caduc. Sans compter que le défunt ne sera pas parvenu à réaliser son souhait de gratifier
le légataire.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, un testament rédigé, même quelques années à peine
avant le décès du testateur, peut ne plus être adapté à la situation et ne plus être conforme à la
volonté de son rédacteur.

Imaginons maintenant une dame âgée de 85 ans qui prévoit un legs particulier portant sur sa
résidence principale au profit d’une association. Quelques années plus tard, en raison d’une
perte importante d’autonomie, elle rentre dans un établissement d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes (Ehpad). Pour financer le coût de l’établissement, elle est contrainte de
vendre sa maison. Dès lors, son legs particulier devient inapplicable. Mais si elle oublie ou
néglige de modifier son testament, l’association ne recevra rien.
Pire encore, si une mesure de protection juridique, comme une tutelle, est ouverte, la dame aura
besoin de l’autorisation du juge des tutelles pour procéder à la rédaction d’un nouveau
testament (art. 476 du Code civil).
Le testament à l’épreuve du temps
Quelques précautions peuvent être prises au moment de l’établissement des dernières volontés
pour parer à cette difficulté. La solution peut résider en l’établissement d’un testament
«évolutif » qui va s’adapter aux événements de la vie et qui, de fait, a une durée de validité plus
longue. Ainsi, dès la rédaction du testament, la personne peut, avec l’aide de son notaire,
envisager les changements plus ou moins prévisibles à venir.
Concrètement, si l’on reprend notre exemple, la testatrice peut d’ores et déjà prévoir l’hypothèse
de la vente future de son bien en indiquant sa volonté en pareil cas. Par exemple, elle indique
« au cas où je ne serais plus propriétaire de ma maison au jour de mon décès, je lègue à
l’association X une somme équivalente au prix de cession ou X % du prix de cession ».
Elle peut aussi réfléchir différemment et se lancer dans un petit calcul.
Imaginons qu’au moment où elle rédige ses dernières volontés, elle possède 50 de liquidités et
une maison qui vaut 100, et qui fait donc l’objet d’un legs particulier au profit d’une association.
Elle indique que dans l’hypothèse où sa maison n’existe plus dans son patrimoine, elle lègue les
2/3 de son patrimoine à l’association, ce qui représente un legs de la même proportion que ce
qu’elle avait envisagé au départ. Elle a ainsi l’assurance que l’argent reviendra à une cause qui lui
tenait à cœur.
Anticiper toute évolution future
Les personnes ayant des enfants mineurs peuvent aussi, avec le testament évolutif, adapter leurs
dispositions à l’âge des héritiers. Par exemple, un parent peut prévoir un legs particulier d’un
bien immobilier ou d’une somme d’argent au profit de son fils ou de sa fille avec une délivrance
du legs à partir des 20 ans de l’enfant.
De même, le testateur peut nommer son frère exécuteur testamentaire, c’est-à-dire le charger
de veiller et de procéder à l’exécution des volontés du défunt (recevoir et placer des capitaux,
procéder au partage entre héritiers et légataires, vendre des biens immobiliers, etc.), tout en
prévoyant que l’aîné de ses enfants remplacera automatiquement son oncle lorsqu’il aura, par
exemple, atteint l’âge de 25 ans.
En présence d’un enfant handicapé dont le testateur assure la tutelle, il peut aussi nommer
tuteur la sœur de l’enfant dès lors qu’elle est âgée de 30 ans et demander qu’en deçà de cet âge
un tuteur professionnel (un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, MJPM) soit
désigné.
Le testament évolutif peut aussi valablement trouver à s’appliquer au sein d’un couple marié. Le
testateur peut notamment écarter de sa succession son époux ou épouse si au moment du
décès le couple vit séparément.
De même, il est possible de désigner légataire son partenaire de Pacs à la condition que le
couple vive toujours ensemble. Ainsi, même si le divorce ou la rupture de Pacs n’a pas encore
pris effet au moment de l’ouverture de la succession, le testateur a l’assurance que celui qui ne
fait plus partie de sa vie à son décès ne sera pas gratifié.
Avec le testament évolutif, les choix du testateur ne sont plus figés dans le temps comme avec
un testament classique. En ce sens, il est davantage conforme à la volonté de son testateur et
remplit mieux sa fonction.

ROSINE MAIOLO, NVP , NOV-DEC 2023