DONNER LA NUE-PROPRIETE, GARDER L’USUFRUIT
Le démembrement de propriété d’un bien immobilier peut s’inscrire dans une démarche philanthropique.
EN THEORIE :
L’étendue de la donation :
Grâce à une donation de la seule nue-propriété, le donateur en conserve l’usufruit : il continue donc à habiter le bien ou à en percevoir les loyers jusqu’à son décès.
Cette libéralité lui permet d’organiser, de son vivant, la transmission de son patrimoine en faveur de la structure de son choix, avec l’assurance que personne (pas même son conjoint) ne pourra revenir sur cette donation, à la différence d’un legs prévu par testament par exemple. Car, même si chaque membre d’un couple prévoit dans ses dernières volontés le legs de leur bien indivis ou commun à une association, chacun demeure libre de modifier son testament, y compris après le décès du premier des époux. La donation en nue-propriété est, au contraire définitive.
Les conditions à remplir :
La donation d’un bien immobilier avec réserve d’usufruit doit impérativement faire l’objet d’un acte authentique devant notaire. Ce dernier saura être de bon conseil pour introduire à l’acte les clauses adaptées aux souhaits des propriétaires. L’acte représente un coût qui peut être supporté par le donateur ou le donataire. Généralement, l’auteur de la libéralité souhaite aller jusqu’au bout de sa démarche de générosité et prend le coût à sa charge. Mais il est possible de s’entendre sur une autre répartition. En imaginant que la donation soit effectuée par une personne âgée de 72 ans, et qu’elle porte sur la nue-propriété d’une maison évaluée à 400 000 €, les frais s’élèvent à 8 500 €. En revanche, l’association n’aura pas de droits de donation à payer si elle est habilitée à recevoir une telle libéralité et le donateur ne supportera aucun impôt sur la plus-value immobilière.
L’exonération de droits est accordée si le don est réalisé au profit d’un organisme d’intérêt général habilité à recevoir des donations (fondations ou associations reconnues d’utilité publique ; associations culturelles ou de bienfaisance autorisées à recevoir des dons ou legs ou établissements publics de cultes reconnus d’Alsace-Moselle ; établissements d’enseignement supérieur ou artistique à but non lucratif agréés).
Un fort intérêt fiscal :
Faire une donation de la nue-propriété d’un bien à une association permet aussi de bénéficier de deux avantages fiscaux.
- Le premier porte sur l’impôt sur le revenu (IR). Si le donateur est redevable de l’IR, il bénéficie de 66 % de réduction calculée sur la valeur du don. Au-delà de 20 % de son revenu imposable, l’excédent peut être échelonné sur les 5 années suivantes. Par exemple, si le bien est évalué à 250 000 € et que l’usufruitier est âgé de 85 ans, la valeur fiscale de la nue-propriété donnée est de 200 000€ (80 % selon le barème fiscal prévu à l’article 669 du Code général des impôts), soit une réduction d’impôt sur le revenu maximal de 132 000 € (soit 200 000 € x 66 %) sur six années.
- Le second concerne l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) du donateur. Selon l’article 968 du Code général des impôts, l’usufruit est en principe imposé à l’IFI pour la pleine propriété du bien. Mais ce principe connaît plusieurs exceptions. C’est le cas lorsque l’usufruit a été réservé par le donateur d’un bien donné ou légué à l’Etat, un département, une commune ou un syndicat de communes, un établissement public national à caractère administratif ou une association reconnue d’utilité publique. Ainsi, lorsque le bien est donné en nue-propriété à une association, seule la valeur de l’usufruit est prise en compte pour le calcul de l’assiette du patrimoine du donateur imposable à l’IFI.
EN PRATIQUE :
Jumeaux âgés de 71 ans, Messieurs Durand demeurent ensemble dans la propriété héritée de leurs parents d’une valeur totale de 800 000€. Sans enfants, ils ont fait donation de cet ensemble immobilier à une fondation dédiée à la recherche scientifique. Ils ont assorti cette donation d’une réserve d’usufruit réciproque, ce qui leur permet de conserver leur cadre de vie et niveau de vie, tout en anticipant le règlement de leur succession.
Cette donation en nue-propriété d’une valeur de 560 000 € (soit 800 000 € x 70 %) va permettre aux frères Durand de bénéficier d’une réduction fiscale au titre de l’impôt sur le revenu (IR). Ils pourront également déduire de leur patrimoine imposable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) la valeur de la nue-propriété donnée. Pour chacun des deux frères, la réduction d’impôts maximale sera égale à 66 % x 280 000 € (soit 560 000 € / 2) =184 800 €, limitée à 20 % de son revenu imposable. La fraction des dons qui n’a pas bénéficié de la réduction d’impôts l’année de son versement pourra être reportée au titre des cinq années suivantes.
De plus ; désormais, chacun des deux frères ne sera plus imposable à l’impôt sur la fortune immobilière que pour la moitié de la valeur de l’usufruit qui s’élevait à 240 000 € (soit 800 000 € x30 %), c’est-à-dire pour 120 000 € (240 000 € /2).
SOURCE :
Notaires Vie Professionnelle, supplément n° 357 Bis